Belle série de solos hier soir à la librairie Apsara (44 rue Daguerre, Paris 14e).
La deuxième en ces lieux après celle du 7 avril (B. Duboc, P. Battus, J.L. Guionnet, D. Lasserre).
Bertrand Denzler sur une note tenue, au timbre projeté, obstinément répétée en segments inégaux, variés dans l'attaque, parfois effrangée, voire molle, puis travaillée de l'intérieur : en densité, en volume, éclairée d'harmoniques clairement détachées, arpégées. Les variables sont introduits une à une dans l'équation de la note, puis combinés entre eux, fugués en quelque sorte. Fugue sur place, intérieure. Ainsi mue, la note elle-même se déplace, en sauts de puce sur l'horizon tonal.
Benjamin Duboc sur un principe point très éloigné, le clou quatre fois planté d'une note grave et, dans ce quadrilatère comme dessiné dans l'espace, l'investissement d'une surface temporelle. L'archet sans fin détache les strates, la résonance se propage au corps, aux murs, à la voûte : il fut question plus tard d'une contrebasse rêvée, qui ne comporterait de quatre mi grave. Une suffirait au fond : Benjamin joue déjà sur "l'unique cordeau des trompettes marines".
Pascal Marzan attaque le troisième acte d'un roulement perpétuel sur des cordes entrelardées : gerbes harmoniques entrecoupées de courses zigzagantes sur toute la longueur du manche. Jeux d'oppositions, disparité d'effets fermement tenus dans une forme étroitement surveillée. Masse et détail, migrations fourmillantes ressaisies dans le trait : il y avait là comme un écho à Xénakis, à Ligeti. Rigueur et générosité. Avec le sourire.
Didier Lasserre, pour finir, caisse claire, et cymbale, l'une après l'autre, puis ensemble, mais comme une unique bête à deux dos. Les mailloches sont des quenouilles. Le halo de laine effleure la peau avant la frappe, le fil échappé du balai crisse avant la caresse : érotisation des surfaces. Jeu d'attente, abîmes de fascination, silence apprivoisé, coups délivrés, dialogues avec le soupirail, le dedans abouché au dehors : érotisation du temps.
La vie, quoi.